La quinquagénaire, devenue aujourd'hui une dirigeante sportive et une militante associative, n'hésite pas à saisir toutes les occasions et toutes les tribunes pour se battre contre la discrimination et la marginalisation des personnes handicapées, victimes comme elle "des regards pathétiques" de leur entourage.
C'est un sentiment cruel qu'elle va éprouver dès ses 3 ans, quand elle a eu une maladie ayant causé une paralysie de ses membres inférieurs. En petite fille innocente, elle croyait que son état était passager et qu'elle allait se remettre sur ses deux jambes, un jour. Les années passèrent et Samira va comprendre que c'était irréversible.
Premier choc, elle n'a pu rejoindre l'école qu'à l'âge de 9 ans, soit 2 ans de plus que ses pairs. En dépit de sa passion pour la lecture et l'écriture, elle n'a pu terminer sa scolarité, en raison de la difficulté de se déplacer entre les différents espaces de l'école. Un autre rêve brisé. Samira voulait bien devenir infirmière ou journaliste.
Les mésaventures n'ont fait que renforcer sa volonté pour gagner le challenge de l'indépendance. Elle détestait l'idée d'être un fardeau pour les autres. Pour commencer, elle s'est inscrite dans une série de formations professionnelles, passant d'une entreprise à une autre, mais l'absence d'accessibilités dans la plupart du temps n'a pas facilité sa tâche.
Après quoi, elle s'est investie dans le domaine du sport qui l'a aidée à faire face au repli et à l'isolement, en particulier après son élection à la tête du Club sportif de l'Amicale marocaine des handicapés, où, malgré le peu de soutien, elle a pu enfin s'affirmer à travers les réalisations accomplies par les athlètes de cette association dans différentes manifestations.
Le club a, en effet, gagné plusieurs trophées notamment dans le basketball, l'athlétisme, la natation et la pétanque, alimentant les équipes nationales en éléments ayant représenté le Maroc dans les compétitions internationales.
Sur le front associatif, Samira Bakhti s'est engagée, corps et âme, dans la défense des droits des personnes à besoins spécifiques à travers ses participations à des conférences nationales et internationales, qu'elle a transformées en tribunes pour attirer l'attention sur les conditions de cette catégorie.
"Aucune personne saine physiquement ne peut ressentir les souffrances ou se faire l'avocat des handicapés", a-t-elle confié à la MAP, assurant que "même les membres les plus proches de la famille sont incapables de comprendre les besoins de leurs enfants dans cette situation".
Elle a stigmatisé "ceux qui exploitent le handicap d'un proche pour mendier de l'argent, sous prétexte qu'ils sont dans le besoin, admettant cependant que "le handicap et la pauvreté sont les deux faces de la même pièce".
Elle appelle, dans ce sens, à considérer les personnes handicapées comme une composante essentielle de la société et à leur donner l'opportunité d'évoluer et de s'épanouir, citant le cas de plusieurs individus ayant vaincu d'importants postes et réaliser de belles choses dans différents domaines et secteurs.
Pour une meilleure intégration des personnes handicapées, un changement de mentalités s'avère plus que jamais nécessaire, insiste-t-elle, appelant à une mobilisation des personnes directement concernées et des sympathisants en vue de rester en contact permanent, que ce soit de manière directe ou via les réseaux sociaux, afin que les prochaines élections législatives soient une étape capitale pour assurer une meilleure représentativité de cette catégorie sociale.
En vue de donner corps à cette idée, elle a participé à l'initiative de création d'une instance baptisée "Forum marocain pour la défense des droits des femmes handicapées", qui s'appuie sur les expériences et expertises accumulées dans l'action associative et la défense des droits de l'Homme. L'objectif est de développer des capacités de plaidoyer de la cause des personnes en situation de handicap.
Cette instance est composée de femmes handicapées et de mères d'enfants handicapés, a-t-elle expliqué, tout en se félicitant des échos favorables suscités par cette initiative qui a créé une sorte de solidarité entre les membres, avec le soutien de certaines instances et d'autres personnes, ce qui est de nature à atténuer les souffrances de cette frange sociale.
Plus que toute autre chose au monde, elle souhaite, sans rancœur, de ne plus voir ce regard d'infériorité ou de compassion à l'égard des personnes en situation de handicap et qu'aucun autre enfant ne souffre de la maladie qui l'a condamnée à la paralysie. En fait, ce n'est pas trop demandé !!!