---Par Anass BELHAJ---
Accusations d’espionnage, menaces, embargo économique, fermeture de frontière, … l’année 2019 a été jalonnée par plusieurs mois de dégradation des relations entre le Rwanda et son voisin l’Ouganda, deux pays autrefois alliés.
Dès le début de l’année, la tension entre les deux pays est-africains est montée d’un cran lorsque Kampala a procédé à l’arrestation et à l’expulsion de centaines de ressortissants rwandais sur son sol, sous l’accusation d’"espionnage".
La querelle a provoqué la fermeture de la frontière entre les deux pays en février, un mois avant que le Rwanda ait accusé publiquement l'Ouganda d'"avoir arrêté arbitrairement et torturé des centaines de Rwandais sur son sol" et de "soutenir des groupes rebelles anti-Rwanda", notamment le Congrès national rwandais (RNC).
Après la diffusion en mars de rapports médiatiques sur une rencontre entre le président ougandais Yoweri Museveni et des membres du RNC, le chef d’Etat ougandais avait admis avoir rencontré des rebelles rwandais en Ouganda sans pour autant leur avoir apporté son soutien, arguant que les citoyens rwandais arrêtés sont en fait des espions.
Le ministère rwandais des Affaires étrangères avait mis en garde en mars ses ressortissants contre tout séjour en Ouganda, les prévenant qu'ils risquaient d'être victimes d'arrestations arbitraires, de tortures et d'expulsions.
Un mois après, en mai, les relations entre Kigali et Kampala ont atteint un point critique quand l'Ouganda a accusé les forces de sécurité rwandaises d'avoir violé son intégrité territoriale lorsque ces dernières ont tué deux contrebandiers armés près d'un poste-frontière, une allégation contestée par les autorités rwandaises sur fond de détérioration des relations entre les deux pays.
La police rwandaise avait rétorqué dans un communiqué que l'incident s'était déroulé du côté rwandais de la frontière, expliquant que "lors du contrôle d'un contrebandier présumé, ce dernier est devenu violent et a été rejoint par d'autres qui ont attaqué les agents avec des machettes tout en tentant de retourner en Ouganda (...) les forces de sécurité ont alors tiré et tué deux personnes".
La crise entre le Rwanda et l'Ouganda a affaibli la Communauté d'Afrique de l'Est, une organisation économique qui regroupe six pays de la région. Depuis la fermeture des frontières, les prix de certaines denrées alimentaires ont augmenté au Rwanda, qui dépend en partie de son voisin pour ses importations, tandis que l’Ouganda a perdu son accès au Burundi ou au sud de la République démocratique du Congo (RDC), des pays où il exportait ses produits.
La succession de ces longs mois de tensions a suscité la crainte des dirigeants de la région, poussant certains à intervenir pour tenter de faciliter le dialogue entre les deux pays.
En Juillet, le président angolais João Lourenço s’est engagé à jouer le rôle de médiateur entre le Rwanda et l'Ouganda, convoquant un sommet régional qui a réuni les chefs d’Etat du Rwanda, de la République démocratique du Congo (RDC) et de l’Ouganda.
Un second mini-sommet tenu à Luanda en août a été sanctionné par la signature d’un mémorandum d’entente entre Kigali et Kampala visant à mettre fin à la crise qui empoisonne les relations entre les deux voisins.
L’accord a été signé par le président rwandais et son homologue ougandais en présence des présidents de l'Angola, Joao Lourenço, de la République démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, et du Congo, Denis Sassou Nguesso.
Les chefs d’Etat rwandais et ougandais se sont engagés ainsi à "respecter leur souveraineté réciproque et celle de leurs pays", en décidant de "s'abstenir d'actions de déstabilisation ou de subversion sur le territoire de l'autre partie (...), ainsi que de financer, former et infiltrer des forces déstabilisatrices".
Afin d’activer le contenu de l’accord de paix, une réunion de la Commission ad hoc chargée de la mise en œuvre de l’accord s’est tenue en novembre à Kigali. Lors de cette réunion, le Rwanda et l’Ouganda se sont engagés à prendre les "mesures nécessaires" en vue d’une normalisation des relations.
"L'accord de Luanda constitue une étape importante vers le rétablissement de la sécurité et d’une paix durable dans la région", a déclaré au terme de cette réunion, le ministre d'État rwandais chargé des Affaires est-africaines, Olivier Nduhungirehe, soulignant l’impératif d’une mise en œuvre pleine et totale du contenu de l’accord de Luanda.
De son côté, le ministre ougandais des Affaires étrangères, Sam Kuteesa, a rappelé les "liens historiques" que partagent le Rwanda et l'Ouganda, soulignant que les deux pays coexistaient pacifiquement depuis des siècles.
Mi-décembre, le Rwanda et l'Ouganda ont tenu à Kampala une nouvelle session de pourparlers pour examiner les points qui retardent encore la mise en œuvre de l’accord de Luanda, notamment "la poursuite des arrestations illégales des rwandais en Ouganda".
Au terme de cette seconde réunion de la commission ad hoc, les deux parties n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente, ni parvenu à faire une déclaration commune. Le processus de normalisation des relations est loin d'être terminé…