.-Par Rachid KAROM-.
En obtenant le 11 décembre la confiance du parlement monocaméral de Finlande, Sanna Marin est devenue le nouveau visage de ce nordique à la tête d'un gouvernement de coalition dirigé essentiellement par des femmes. A 34 ans, elle est aussi la plus jeune Première ministre en exercice de la planète.
La nomination, en ce mois de décembre, d'un nouveau gouvernement au féminin pluriel, le 76e de l'histoire de la Finlande, aura mis fin à une année jalonnée d'innombrables défis politiques au cours de laquelle trois gouvernements se sont succédés, alors que le pays assure la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne.
L'ascension fulgurante de la sociale-démocrate Sanna Marin installe des femmes aux commandes des cinq formations composant la coalition de centre-gauche. A ses côtés, il y a Katri Kulmuni (32 ans), du Parti du Centre, et future ministre de l'Économie, Li Andersson (32 ans également), dirigeante de l'alliance de Gauche, Maria Ohisalo (34 ans), cheffe de la Ligue verte, et enfin Anna-Maja Henriksson (55 ans), leader du Parti populaire suédois de Finlande.
Voir autant de femmes leaders de leurs partis, dans une même coalition de gouvernement, a suscité un véritable engouement à travers le monde. Mais vu de la Finlande, le "séisme" n'est pas aussi important. Le pays a déjà connu une femme Présidente pendant deux mandats (Tarja Halonen, de 2000 à 2012) et une femme Première ministre (Anneli Jäätteenmäki, en 2003).
Cela dit, le gouvernement de Sanna Marin compte 12 femmes sur un total de 19 ministres, cinq d'entre elles appartenant au Parti social-démocrate qui a remporté les élections au printemps dernier. En effet, l'ancien chef de gouvernement Antti Rinne a dû démissionner quelques mois plus tard après sa prise de fonctions, après avoir perdu la confiance du parti du Centre.
D'ailleurs, ce n'est ni la réforme des services sociaux, ni le dossier de la migration, et même pas la question du climat ou l'un des autres sujets de controverse qui ont précipité sa démission, mais plutôt sa gestion contestée d'une grève postale.
Il semble que la présidente du Centre Katri Kulmuni a bien su tirer profit de cette situation de crise, qui s'est accentuée avec un effet boule de neige après une vague de grèves de solidarité menées à travers le pays, en tentant de renforcer sa position sur la scène politique nationale et rétablir la confiance auprès de son parti suite à son échec lors des dernières élections.
Désormais, l'on peut dire que les partis de la coalition sont parvenus à un compromis avec la formation d'un nouveau gouvernement dirigé en majorité par des femmes. La nomination de Sanna Marin ne devrait cependant pas changer la ligne politique conduite jusque-là par sa formation politique.
Par ailleurs, il est surprenant de constater que la formation du gouvernement de Antti Rinne a coïncidé avec la prise de la Finlande des commandes de l'Union européenne cet été, et que la fin de son mandat a, elle aussi, coïncidé avec la fin de la présidence finlandaise, comme si ledit cabinet a été conçu pour gérer une phase qui arrive à son terme.
Dans le cadre de cette mission qui est loin d'être une sinécure, la Finlande a tout mis en oeuvre pour cristalliser la vision de l'Union européenne en matière de politique étrangère, tant en ce qui concerne le dossier de la migration, le commerce mondial et les ressources arctiques, que ses relations avec la Russie. Sur ce dossier justement, la Finlande a réalisé un progrès en raison de bon nombre de considérations géopolitiques.
A rappeler, ici, que la capitale finlandaise a accueilli plusieurs rencontres de haut niveau afin de renforcer les capacités de l'Union européenne et la cohérence de ses politiques liées à la sécurité, au commerce et au développement, surtout eu égard à l'influence croissante des grandes puissances: les États-Unis, la Chine et plus particulièrement la Russie.
Il convient de citer, à cet égard, la visite du Président russe Vladimir Poutine en Finlande, fin août, au cours de laquelle il a eu des entretiens avec son homologue finlandais Sauli Niinistö sur plusieurs questions d'actualité, liées principalement à la géopolitique et à la situation en Ukraine.
S'efforçant de résoudre les différends par sa diplomatie traditionnelle qui consiste à éviter d'attiser la colère du puissant voisin russe tout en respectant les principes de l'Union européenne, la République de Finlande a tenté de par sa position à la tête de l'Union de renforcer le dialogue et la coopération entre Moscou et Bruxelles.
S'il est vrai que Helsinki a fait preuve d'une diplomatie active au cours de sa présidence de l'Union européenne pour combler les divergences avec la Russie, en tirant notamment profit de sa proximité géographique, c'est surtout sa politique de finlandisation, autrement dit de neutralité finlandaise, héritée depuis la Guerre froide qui a été de mise.